• Nounours a écrit

    Textes et poèmes, calligraphie ou lettres... Bric-à-brac de mes poèmes d'hier, ceux d'aujourd'hui et, qui sait... Ceux de demain ?

  • Thème inspiré du texte d'Harmonie (allez le lire, il est superbe !). Alice, le Lapin du Pays des Merveilles et sa fameuse montre à gousset, coincée dans la poche de sa chemise. Écrit en quelques heures, d'une traite. Bonne lecture ! (Dessin de moi)

     

    Un lapin pressé par le temps

    Le lapin du Pays des Merveilles

    Le temps fuit, fuit, fuit ! Et je cours après le temps, le poursuit, le devance, mais pourtant, pourtant ! En retard je suis, toujours ! Il me rattrape, je le poursuis ! Ma montre clique tique contre ma poitrine, pelotonné dans ma poche ; les secondes s’égrènent s’écoulent, irrégulières, incompréhensibles, avec l’originalité d’une horloge. Les minutes, plus longues, plus franches, plus dangereuses, s’envolent. Je cherche –sans trouver, la fillette, l’Alice qui s’est perdue, la jeune fille à la robe bleue et aux boucles blondes. Je tends l’oreille, tapote du pied –une voix par-là, grave et nasillarde, un rire par-ci, aigu, faux, forcé. Des pas légers, des enjambés paresseuses, guère pressées par le temps –le temps qui défile, encore ! qui jamais ne s’arrête ! le froissement de vêtements, des jupes et des jupons, un écureuil qui grimpe dans les hauteurs, les feuilles qui tombent, qui zigzaguent, les oiseaux qui chantent une mélodie estivale, un souffle contre les hauts-de-chausse, du mouchoir qui s’envole, porté par le vent, des cris…

    Et puis.

    Là.

    Maintenant.

    Le fredonnement d’une montre à gousset, le cliquetis des aiguilles. Une secousse dans le sol. Un tremblement. Une personne qui appuie sur ses pieds, qui les suit et les comprends, un, une adolescente, tout en grâce en énergie à peine contrôlé, qui ne cherche qu’à s’échapper, et elle vole sur les nuages, sur la terre, les secousses les tremblements plus fréquents plus forts plus conséquents, ils résonnent ils s’enfoncent –plus vite ! crient-ils, plus vite ! ou tu vas rater ton train ! Et elle attrape le carré de tissu, ombre furtive, libellule sautillante, abeille bourdonnante, le repose –délicatesse superflu--, dans la main d’une dame étonnée, indignée. Elle a montré ses bas, comprenez-vous, à toute la populace rassemblée ! Soudain –pivot sur l’axe, regards qui se fixent l’un à l’autre–

    Je cours. Oh oui, dis-moi que c’est elle ! Dis-moi que c’est notre Alice, l’Alice du pays des Merveilles ! Je cours, je saute, j’abandonne ma poursuite du temps et oh ! Elle me regarde, tout en mèches fendues, en peau pale, en grandeur démesurée, en affolement bizarre, yeux bleus et robe bariolée, et elle me voit, et je tapote ma montre : l’heure presse, l’heure passe ! Et je me retourne, je bondis, je retourne vers chez nous, plus vite que mes jambes peuvent me porter. Ma robe blanche détonne avec les haies de cyprès et les chaises en bois sombre, mais je ne suis qu’image floue. Mais elle est curieuse, cette Alice, elle est curieuse et irréfléchie, et elle essaie de me rattraper –mais comment peut-elle, la pauvre, quand je course le temps du matin jusqu’au soir ? J’écoute : cinq millisecondes, elle est loin ; elle a ralenti ? Ne sait-elle pas, pour le temps ? Voilà, elle m’a vu ! je repars, ma montre dans la poche de mon veston de velours, et enfin, enfin ! Le puit, le Passage vers le Pays des Merveilles !

    Je chute. Je chute, avec cette impression irréelle que le temps n’a plus de temps, qu’il n’a plus d’essence, qu’il tend vers cette infinité impossible. Jusqu’à ce que, enfin, la chute stoppe –miracle.

    Je connais la route, ici, je connais le temps –il s’absente souvent. Je glisse entre l’ouverture –la porte mériterait d’être huilée, mais à quoi bon ? Le temps nous est compté, il est minuté, chronométré, tout doit être ordonné.

    Mais aujourd’hui… Aujourd’hui, j’ai réussi. La première étape. La première journée d’une longue suite d’épreuves, d’aventures, de surprises. J’ai trouvé l’Alice. Je l’ai mené dans notre monde. Il ne lui reste plus qu’à trouver son chemin. Sa voie. À parcourir les recoins de l’océan, des merveilles, du Temps. Maintenant, c’est à elle d’œuvrer. De découvrir. D’avancer.

    De nous libérer. 


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  • Deux petites ébauches de textes pour qui voudra les lire. 

     

    L'enfant, l'oiseau - toute une épopée.

    Un phénix suspendu en plein vol, ailes en feu, pensif, fier... Assez différent des phénix que l'on s'imagine --des plumes recourbées, allongées comme des rubans, un corps recroquevillé sur lui-même, plus coq que dragon, avec sa longue collerette, son bec de corbeau et ses pattes invisibles.

    Un oiseau qui, jour après jour, heure après heure, renaît, revit, transcende se transforme, illumine le ciel la terre, les océans, un oiseau qui, siècles après siècles, légende après légende, devient mythe et sombre conte, image de cœurs tendres, de nuits torrides, de poètes passionnés oubliés inconnus... 

    L'oiseau flamboyant s'élance. Il plonge, ombre fugace, éphémère, irréelle, ses ailes déployées en deux longs rubans de flammes battant dans l'éther. Sa silhouette élancée, son air enjôleur, ses yeux noirs luisants dans le ciel étoilée... Figure de bronze, rêve d'enfant.

     ~ ~ ~

    La fillette pleurait.

    Sa frange blonde vénitienne lui couvrant la moitié du visage, ses larmes dégoulinaient sur ses joues, perles de tristesses, vallées inexplorées, amour perdu. Ses petites menottes frottaient ses yeux, son nez, sa bouche, tentant, sans vraiment y parvenir, d'atténuer le courant torrentiel qui dégoulinait, coulait, sombrait dans l'abîme.

    La même série d'image repassait en boucle dans sa tête : une main brune, calleuse, douce, tendue vers elle, l'enveloppant dans une écharpe en laine, et une autre, un gant qui vole, la tache rouge sur le gant, la tache dans les airs, comme des petites gouttes de pluie, comme le ruisseau d'une fontaine. Une main blanche et froide. Ensuite, la plume qui chute --zigzags qui ondulent, manteau tremblotant dans le vent. 

    Un bruit, derrière elle. Un tapotement à la fenêtre. Une pierre qui heurte la vitre, puis rebondit dans le ciel argenté. 

    La petite fille lève la tête. Tout là-haut, jouant avec la Lune, l'oiseau météorite sillonne les prairies et embrase la plaine. Et la petite fille encore toute secouée de tremblements, sourit.

    Le Phénix veille sur elle. 


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  • C'est un vieux poème. Je l'ai écrit il y a un an. J'en avais fait plusieurs versions --courtes, longues, brusques, du point de vue des enfants et de l'écrivain. Ça, c'est ce que j'espère être le final, la version propre... Mais je ne sais pas, il manque quelque chose. Le petit "truc" essentiel à tous poèmes. 

    "Il n'y a pas de paix sans guerre, pas de guerre sans morts." 

     

    Enfants soldats

     

    L’orage gronde.

    Le tonnerre rugit –un bref éclair,

    Des cris impuissants…

    Et puis le silence.

     

    Un flash d’un côté, un soupir…

     

    Le Monde s’écroule alors qu’un enfant sans nom se meurt.

     

    Sa bouche se tord dans un dernier cri, dans le dernier cri,

    Un cri de souffrance qui vous déchire de part et d’autre,

    Un cri qui hurle, hurle contre l’injustice, l’infamie,

    Un cri qui, dans un crescendo affolé, s’évanouit, disparaît.

    Un cri… Un cri parmi des milliers.

     

    Tant de morts… Tant de cadavres…

     

    Ils s’étreignent un à un ou bien à deux,

    Arme à la main, serré contre leur corps chaud,

    Comme le doudou perdu, absent, obsolète.  

    Freiné dans leur élan, arrêté net dans leur course

    –car ce n’est que ça : une course contre la bête,

    Une course contre l’humanité–

    Ils s’enfoncent sous le soleil.

    Les rayons tapent, tapent, assèchent leurs gorges. 

    Leurs corps tombent, délicatement, sous les feux de la paix.

     

    Ils s’agenouillent, mains au creux de leurs reins.

    Leurs regards se vident de leur sang, de leurs rêves

    Alors même que la vie leur échappe.

    Fugitive beauté, que cette tache rouge,

    Qui s’étend et se répand, qui recouvre tout,

    Tout,

    Tout.

     

    Et leurs visages –maigres tremblants, plus que des nombres—

    S’impriment dans notre mémoire

    À jamais gravée.

     

    Et nous, nous, lointains observateurs,

    Même pas des soldats,

    Même pas à la guerre,

    Nous,

    On les regarde tomber et mourir,

    Et on court, on court car on a peur,

    On court car on ne sait rien,

    On court, car c’est ce que nous avons toujours fait.

    Nous sommes coupables.

    Nous sommes victimes.

    Nous ne sommes pas innocents.

     

    Et eux, eux aussi ils courent.

    Ils fuient les coups –ceux qui viennent de derrière,

    Qui fleurissent au moindre arrêt.

    Alors ils avancent.

    Ils murmurent un Au revoir, lancent un Adieu sans bruit

     

    Ils continuent de courir, 

    Jusqu’à ce que l’idée même du temps leur soit inconnue,

    Jusqu’à ce qu’ils oublient leur nom, qui ils sont,

    Jusqu’à ce que tout cesse d’exister.

    Jusqu’à ce que seules les balles qu’ils reçoivent

    Et les balles qu’ils tirent les maintiennent en vie.

     

    Ils usent de leurs corps comme des boucliers,

    Protégeant leurs camarades comme eux les ont protégés.

     ~ ~ ~ 

    Tant de morts, tant de cadavres...

    Tant de vies innocentes sacrifiées…

    Et tout ça… Tout ça, c’est pour quoi ?

    Tous ces meurtres, ces corps transpercés

    Par les lames de la paix…

     ~ ~ ~

    L’enfant git dans la mer.

    Ses bras pendent, sans vie, à ses côtés.

    Quelqu’un a fermé ses yeux

    Dans un acte de merci.

     

    Peut-être le seul de sa courte vie.


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  • À l'occasion du 1er anniversaire de son blog, Sophia a organisé un concours autour d'un de ses poèmes, Un petit cœur brisé. On devait écrire une parodie d'un de ses poèmes. La mienne est un peu longue, un peu tout et rien... Les mots sont les miens, et pourtant, je ne sais pas, il y a décalage entre moi et eux que je n'arrive pas à expliquer. 

    ...

    Je n'avais pas écrit depuis un mois. 

     

    Une cage de brume

     

    Je ne suis qu’un petit cœur brisé.

    Une coquille vidée, lassée.

     

    Mon corps n’était que frissons,

    Fleur épanouie, étoile caméléon,

    Foule familière, qui chérit.

    Un jour, pourtant, un jour…

    J’ai fondu pour une personne…

    Et elle m’a tout arraché.

    Il ne lui a suffi que d’un souffle,

    Que d’un mot, une pauvre syllabe,

    Pour que mon monde chamboulé…

    S’écroule.

     

    Pleurs et larmes ont tari ;

    Elles ont mouillé mes joues,

    Dégoulinant sur les tracés invisibles

    D’une cicatrice marquée au fer.

     

    Un voile opaque a assombri mes yeux,

    Se glissant sous mes paupières,

    Souriant aux lucioles et aux bougies.

    Le gel a transformé la douce brume

    En une cage effroyable.

     

    Peur. Envahissante, étourdissante.

    Venue remplir ce vide qui m’étreignait,

    Ce petit cœur –si précieux, brisé,

    Cassé, allégé de tout amour.

     

    On m’a figé dans un éternel silence,

    Position fœtale, chute sans fin.

    On m’a transformé en une figurine,

    Une statuette de glace, immobile,

    Prisonnière, enfermée… Perdue.

     

    Mon petit cœur battait par à-coups,

    Tout mon corps marchait, glissait

    Au ralenti. Sans comprendre.

    Mourante.

     

    Je dévalais la pente devant moi,

    Et comme ma vie, je tombais,

    M’écroulait, penchant

    Inexorablement

    Vers le vide.

     

    Mais soudain…

    La brume, cette cage…

    S’est évanouie…

    Envolée…

    Et moi…

    J’ai tendu les bras vers les nuages,

    Et,

    Telle la plume de l’écrivain,

    J’ai oscillé, hésité…

    Basculé.

    Vers le haut.

    Vers la lumière qui brille,

    Vers l’étincelle, ce mince espoir,

    Ce fil en or, ce fil si fragile…

     

    Qui s’est cassé.

    Encore.

     

    Ma chute a duré des plombes,

    J’ai hurlé, pleuré de souffrance,

    Cette souffrance qui me ronge les os,

    Qui me paralyse qui m’endort.

    J’ai hurlé, mais à quoi bon ?

    Plus personne ne m’écoutait.

    Plus personne pour m’entendre,

    Dans ce monde de silence.

     

    On m’a tout arraché.

    Pleurs et larmes ont taris,

    Et ce petit cœur, si précieux,

    S’est brisé, à jamais.

     

    Son abandon m’a lavé de tout amour :

    Mon cœur m’a été arraché, détruit,

    Saccagé, on me l’a brisé…

    Raccommodé…

    Et tout a…

    Recommencé.

     

    « Adieu. »


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